Fragments d’un parcours amoureux, un long-métrage de Chloé BARREAU qui a eu l’idée, trente ans après, de reprendre contact ses amours de jeunesse afin de leur faire dire les souvenirs qu’elles et ils (moins nombreux) gardent d’elle et de ces relations parfois passionnelles. Ce qui pourrait d’abord faire penser à un dispositif narcissique à la Sophie CALLE – un de plus ! – va  vite s’avérer infiniment plus émouvant, Chloé BARREAU choisissant de ne jamais paraître à l’écran, sinon dans les brèves vidéo enregistrées au sortir de l’adolescente – elle vivait alors caméra au poing, au risque d’embarasser ses partenaires -, et surtout de ne pas commenter ces témoignages d’une rare intensité recueillis – avec quelle délicatesse! – par une journaliste amie. Alors même que certaines, tout en soulignant son audace dans l’approche, son aptitude à aimer et même avant tout son amour de l’amour, notent aussi son goût pour la dissimulation et le mensonge, comme sa tendance à compartimenter ses relations, pour se donner pleine licence d’aller de l’une à l’autre.

Ce qui pouvait paraître d’abord un marivaudage pré-adulte, bi-sexuel et -national – C. BARREAU ayant fini par partir en « exil sentimental » à Rome – s’avère un témoignage bouleversant sur nos propres attentes. On en vient à occuper la place laissée manquante par la réalisatrice pour devenir à la fois cet être conquérant, amoureux et duplice, mais aussi celles et ceux qu’elle aura enthousiasmé, parfois trahi et même brutalement quittés – la réciproque existant aussi. On entre à son tour dans ce tourbillon d’espérances amoureuses, de déceptions cruelles et de ruptures sanglantes,  Chloé BARREAU ayant l’intelligence de ne nommer chacune et chacun que par son prénom, comme c’était le cas dans leur jeunesse anté-sociale,  même si l’on reconnaît au passage une actrice vedette, une réalisatrice présente à Cannes le mois dernier et une écrivaine en vogue. Et l’on pleure sans plus trop savoir si c’est sur ses propres amours perdues, sa peur de ne plus pouvoir jamais aimer à nouveau ou dans l’espoir caché que ces larmes nous attirent la mansuétude d’un voisin ou d’une voisine en attente aussi d’amour : la Ronde, version 2025. Inoubliable.

POUR VOIR LA BANDE-ANNONCE