On ne peut voir, en cet hiver 2018, de film plus abouti, de plus déroutant et convaincant à la fois que LES GARÇONS SAUVAGES, premier long-métrage de Bertrand MANDICO. C’est à la fois un conte fantastique et un Ovni allégorique, la plus merveilleuse confirmation des liens intimemment incestueux que le cinema entretient, depuis sa naissance, avec le rêve, les désirs les moins normés, et la puissante aptitude à la métamorphose propre au vivant survolté.

Cinq garçons rebelles sont condamnés pour avoir tué leur professeur dans un rituel eroctio-animalier à subir l’autorité despotique d’un capitaine puissamment doté qui les enchaîne et les esclavagise sur son rafiot soumis à toutes les tempêtes. Ils finissent par se révolter, à leur arrivée sur une île enchantée où, initiés par les feuillages et les sécrétions d’une nature subtilement sexuée, ils découvrent des formes de pratiques érotiques inédites avant que, sous l’effet des substances ingérées, ils ne subissent d’étranges mutations sexuelles, voient se dresser des mamelons sous leur chemise et tomber comme un fruit blet leur pénis. Difficile ce ne pas citer quelques références majeures pour rendre compte de l’originalité d’un film qui s’en passe pourtant très bien: Cocteau, Fassbinder, Genet, Kenneth Anger, mais aussi Ovide, Fragonard, Sade. Car c’est bien un monde en soi que MANDICO recrée, autour d’une Carte du Tendre très personnelle, où les corps, mais aussi l’ensemble des éléments sont travaillés par d’irrésistibles poussées germinatives, où les fruits tropicaux se changent en sexes velus et les sexes deviennent des fruits juteux, lait, sperme, urine, pluie, poils et plumes se mêlant pour recréer cette soupe primitive d’où naquit le vivant, et où, obstinémment, il tente de revenir. Longue vie à cet univers merveilleux, où le désir féconde le mythe sans jamais se départir d’une sorte d’humour gracieux.